Admirer sans culpabiliser : ce que nous dit l’exploit de Stephanie Case.

Stephanie Case est cette femme qui a accouché 6 mois avant la compétition, cette maman qui allaite et cette winner. Mais tout s’est joué dans sa tête, et pour beaucoup d’entre nous, ce qui se passe dans nos têtes n’est pas forcément clair.

Admirer sans culpabiliser : ce que nous dit l’exploit de Stephanie Case.
Photo by Kalen Emsley / Unsplash

Cela fait la une des journaux : une jeune maman remporte un ultra-trail de 100 km (dans sa catégorie) tout en allaitant durant la compétition. Tu es maman ? Future maman ? Que ressens-tu ? À quoi cela te renvoie ?


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Le risque de la comparaison

Ce qui fait la une des journaux, ce n’est pas que c’est une femme. Ce n’est pas non plus que c’est une maman. Ce n’est pas qu’elle remporte la compétition. Ce n’est pas qu’elle allaite. Non… La vérité, c’est qu’elle est tout ça à la fois. Une femme, une maman, une winner et qu’elle allaite pendant la compétition. Et ça, ce n’est pas courant. C’est ce qu’on appelle un exploit. Mais cet exploit, elle l’a réussi et ce n’est pas un hasard. Elle l’a préparé. Elle ne s’est pas levée un matin en se disant qu’elle allait faire 100 km. Non. Elle l’a préparé. Elle savait ce qu’elle visait. Elle savait ce qu’elle voulait. Elle a travaillé pour en arriver là. Elle a certainement souffert, mais parce qu’elle s’est investie pleinement. Alors est-ce un exemple à suivre ? Cela dépend pour qui.

Stephanie Case a fait ce qu’elle avait envie de faire et elle a eu raison de s’écouter. Pour certaines femmes, elle peut être inspirante, notamment pour celles qui cherchent à remporter un ultra-trail, ou un trail, ou une compétition quelconque. Elle peut être inspirante pour celles qui ont besoin d’un exemple à suivre, car nous avons tous besoin des exploits des autres pour croire aux siens. Mais pour certaines femmes, qui vont être mamans, ou qui sont mamans, et qui cherchent simplement à s’en sortir avec ce qu’elles ont, cette femme peut être un modèle de comparaison négatif. Car elles ne s’y retrouvent en aucun point et que, ce soit au niveau de la confiance ou de l’estime de soi, elles seront fortement impactées négativement, avec des pensées telles que : “je n’arrive pas à allaiter alors que certaines allaitent pendant un 100 km”, “je suis encore fatiguée alors que j’ai accouché il y a 10 mois, alors que certaines font des ultra-trails 6 mois après leur accouchement”. Et au-delà des pensées qu’elles peuvent s’infliger à elles-mêmes, la parole de certains peut aussi être blessante : “tu n’es pas capable de faire la vaisselle alors qu’elle, elle va courir un 100 km et elle allaite. De quoi tu te plains ?”. Chaque femme est différente. Chaque vie est différente. Chaque bébé est différent. Chaque corps est différent. Nous avons toutes des objectifs différents. Ce n’est pas parce que toutes les femmes de ta famille ont réussi à allaiter que cela doit être facile pour toi. Ce n’est pas parce que les femmes que tu suis sur les réseaux sociaux soulèvent de la fonte à 8 mois de grossesse que tu dois aussi y arriver. Ce n’est pas parce que tes collègues ont arrêté de travailler 2 semaines avant la naissance de leur enfant que tu ne peux pas t’arrêter à 4 mois de grossesse. Nous sommes toutes différentes.

Ton mental : le PDG

Le mental, c’est ce qui dirige notre corps. Cela peut paraître absurde, mais en dehors des virus et des parasites, nos pathologies corporelles sont issues de notre mental. C’est notre cerveau qui gouverne. C’est notre cerveau qui, lorsqu’il n’est pas suffisamment écouté, répercute sur notre corps. Et cela peut être très subtil. Le mental, c’est aussi la clé de la réussite d’une compétition. Tu ne peux atteindre tes objectifs si ton cerveau est ailleurs. Ce n’est pas la technique qui fait la différence. C’est dans la tête. Tu peux t’entraîner, encore et encore. En réalité, ton adversaire aussi s’entraîne tout autant que toi. Ce qui va te permettre de le vaincre, c’est ce à quoi tu penses. Alors, pour commencer, et avant de te comparer à Stephanie Case, je te demande de réfléchir… À ton avis, quel est le mental de cette femme ? Car peu de gens courent 10 km, mais alors combien sont capables d’endurer 100 km ? Ce n’est pas le corps qui dicte la course. C’est la tête. Le corps ne fait que suivre. Il est entraîné. Et même quand le corps flanche, c’est souvent la tête qui donne le signal d’arrêt — ou qui pousse à continuer. C’est notre mental qui nous dirige. Stephanie Case est cette femme qui a accouché 6 mois avant la compétition, cette maman qui allaite et cette winner. Mais tout s’est joué dans sa tête, et pour beaucoup d’entre nous, ce qui se passe dans nos têtes n’est pas forcément clair.

L’allaitement : un apprentissage à deux

Ensuite, comment perçois-tu l’allaitement ? Il est recommandé. Number one. Mieux que les préparations commerciales. Certes. Avant d’avoir ton enfant, tu t’es sûrement dit “je ferai de mon mieux pour allaiter mon bébé”. Ou alors carrément tu as pensé “c’est naturel alors ce sera facile”. BAM - K.O. L’allaitement est fortement recommandé, mais ce n’est pas parce qu’il est naturel qu’il est facile à mettre en place. L’allaitement — et j’aurai certainement l’occasion d’en parler dans un futur article — c’est une action. Et comme toute action que l’être humain entreprend, il existe un apprentissage. Par exemple, dans le cas de la locomotion : nous apprenons à nous retourner, à nous asseoir, à nous mettre debout, à marcher, à courir, à sauter, à faire du vélo, à conduire des véhicules. C’est incroyable tout ce que nous pouvons apprendre. Mais cela n’est jamais facile. Et chaque personne apprend à son rythme. Bien sûr, certaines personnes seront plus à l’aise que d’autres. Certains ne feront que marcher, alors que d’autres feront des ultra-trails. C’est propre à chacun. Pour l’allaitement, c’est pareil, mais l’apprentissage se fait à deux. Une maman doit apprendre à donner le sein, et un bébé doit apprendre à téter. Pour certains duos, c’est facile. Ça vient rapidement et ça dure pendant des mois… des années. Pour d’autres, c’est plus compliqué et ça s’arrête après 2 mois… 1 mois… 2 semaines… 1 jour… ou ça ne commence jamais.

La reprise sportive après un accouchement

6 semaines. C’est ce qui est recommandé par les médecins. Une rééducation du périnée à 6 semaines post-partum (1 mois et demi) et une reprise de sport progressive après la fin de cette rééducation (ces recommandations sont néanmoins discutables et la reprise peut s’avérer beaucoup plus courte si elle est précieusement soignée). Stephanie Case, elle, a couru un 100 km, 6 mois après avoir accouché. C’est possible, puisqu’elle l’a fait. Est-ce que c’est possible pour toutes les femmes ? Certainement pas. La reprise sportive est dépendante de chaque femme et de la façon dont ces 3 étapes se sont déroulées : la grossesse, l’accouchement et le post-partum. Car chaque étape a un impact sur le corps, mais aussi sur le mental. Le plus important, c’est que tu puisses te rétablir rapidement et, quand je cite “rapidement”, ce n’est pas dans une recherche de performance, de qui se rétablira le plus vite. C’est dans une recherche de bien-être, car plus vite tu seras rétablie et plus vite tu vivras en paix avec ton corps et avec ton esprit afin de profiter pleinement de ta nouvelle vie de maman. Dans le cas de Stephanie Case, son exploit n’aurait jamais pu être réalisé si rien n’avait été mis en place et préparé en ce sens.

Ce que chaque femme devrait retenir

Il y a donc dans l’exploit de cette femme 3 choses principales qui lui ont permis d’atteindre son goal : son mental, un allaitement qui se passe bien (du moins c’est ce qu’on nous a montré) et une reprise du sport adaptée et contrôlée. Ça peut paraître insignifiant et pourtant c’est énorme. Cette femme a pu travailler sur ces 3 aspects (et certainement d’autres !). Ce n’est pas le cas de toutes les femmes et même si j’encourage chaque femme à faire ce travail, ce n’est pas pour atteindre ce type d’objectif. C’est pour vivre pleinement leur maternité, pour garder de bons souvenirs et ne pas trop souffrir. Travailler son mental se fait au quotidien, que tu sois une femme, une maman ou une future maman. C’est un travail conscient qui te permet d’être en pleine santé. Pouvoir allaiter facilement, c’est soit parce que ton mental a été travaillé sur ce point, soit parce que tu as été entourée pour que cela fonctionne. Reprendre le sport après un accouchement ? Cela peut relever du défi. Même si tu étais initialement très sportive, tu peux te retrouver à ne pas pouvoir entamer une reprise de sport avant de nombreux mois. Il y a énormément de facteurs qui entrent en ligne de compte et qui doivent être pris en considération : le temps, la motivation, la maladie…

Cette femme, qui fait la une des journaux, a réalisé un exploit. Mais je veux que les autres femmes n’entrent pas dans une forme de comparaison, de culpabilité, de jalousie ou de remords. Il y a plein d’éléments à prendre en compte, au-delà de ceux que j’ai cités. Cet exploit peut être source d’inspiration pour certaines femmes, qui ont peut-être elles aussi des objectifs en tête. Nous n’évoluons pas seules. Nous avons besoin des talents des autres pour croire en nos capacités. Mais pour une grande majorité, qui ne demandent qu’à vivre, qu’à “réussir” à mettre au monde et nourrir leur bébé, je veux que chaque jour qui passe soit vécu comme un exploit. Car même si je n’en ai pas parlé dans cet article (et que j’en ferai certainement un autre pour aborder le sujet !), avoir un enfant n’est pas anodin. Notre “chance” actuelle est d’avoir une médecine avancée, qui a permis de baisser drastiquement la mortalité infantile. Alors si, chaque jour, nous pouvions simplement célébrer les mamans qui prennent soin de leurs enfants, ce serait déjà un exploit magnifique.

Avec tout mon amour <3


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